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Le soi existe-t-il ?

Conférence donnée par Michel Hulin, professeur honoraire de philosophie indienne et comparée à l’université Paris-Sorbonne

30 mars 2009, Centre André Malraux

Les systèmes philosophiques brahmaniques et le bouddhisme ont une très longue tradition, illustrée par de nombreux maîtres, qui a donné lieu dans l’histoire de la spiritualité à des réalisations souvent admirables et, à certains égards, bien proches les unes des autres. Pourtant, brahmanes et bouddhistes se sont affrontés pendant des siècles autour de la notion d’âtman (littéralement le Soi). Les premiers considèrent la réalité de l’âtman, principe de vie et de pensée, comme pouvant être prouvée, et comme nécessaire pour expliquer le comportement psychologique de l’homme et donner un sens à sa destinée spirituelle. Les bouddhistes prennent le contre-pied de cette position et s’accordent à reconnaître le Soi comme une pure apparence.

Pourquoi cette polémique a-t-elle eu lieu ? Quels en sont les enjeux ? Quel est l’avenir de cet antique débat qui n’est pas clos aujourd’hui ? Si l’on confronte ces doctrines aux religions issues de l’héritage biblique, les divergences constatées mettent en lumière les points communs de ces traditions orientales.

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L’histoire des études indiennes en France (XIXe et XXe siècles)

Conférence donnée par Roland Lardinois, sociologue, chargé de recherche au CNRS – Centre d’Études de l’Inde et de l’Asie du Sud

4 mai 2009, Centre André Malraux


Roland Lardinois centre son propos sur l’histoire des études indiennes en France de la fin du XVIIIe siècle aux années postérieures à la Seconde Guerre mondiale. Il considère tous ceux qui débattent de la connaissance de l’Inde, notamment dans l’entre-deux guerres, et les classent en « savants » — qui ont la maîtrise des langues orientales —, et « non-savants » — hommes de lettres, essayistes ou prophètes selon la définition de Max Weber. Il part de l’hypothèse que la prise en compte des « non-savants » dans l’espace des études indiennes permet d’éclairer l’interprétation de l’hindouisme et du système des castes.

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Dieux et poètes dans les hymnes du Ṛgveda

Conférence donnée par Silvia d’Intino, docteur de l’École pratique des hautes études, chercheur au CNRS

9 mars 2009, Centre André Malraux

Le Ṛgveda est un recueil d’un millier de poèmes (1028 dans la recension Śaala) d’une longueur variable, organisés en dix cycles ou maṇḍala. Daté ente le XVe et le VIIe siècle avant notre ère, ce recueil est le premier document de la civilisation indienne. Mais lorsqu’on parle de l’Inde védique, on se réfère à un corpus beaucoup plus vaste, les quatre grands « recueils » (Saṃhitā) du Veda (Ṛgveda, Atharvaveda, Sāmaveda et Yajurveda) avec les textes qui leur sont rattachés, c’est-à-dire les Brāhmaṇa — traités de la science des brahmanes (le rituel) —, les Âraṇyaka — traités de la (vie en) forêt, la vie ascétique —, et les Upaniṣad — enseignements secrets ou ésotériques.

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Les dynasties d’affaires indiennes : une approche historique

Conférence donnée par Claude Markovits, directeur de recherche au CNRS

26 janvier 2009, Centre André Malraux

On connaît sur la longue durée l’existence d’importants réseaux marchands et de puissants hommes d’affaires en Inde ; des dynasties bancaires et marchandes sont attestées depuis la période médiévale. Claude Markovits évoque dans un premier temps cette histoire du monde marchand indien. Puis, il s’interroge sur les raisons pour lesquelles l’entreprise familiale est restée la forme d’organisation la plus répandue dans le monde des affaires indien donnant parfois naissance à des dynasties d’affaires qui se prolongent jusqu’à nos jours. Il présente quelques dynasties d’affaires de l’Inde contemporaine.

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Aux portes de l’Inde : Samarkand

Synthèse de la conférence donnée par Lucien Kehren, docteur ès sciences, historien des Timurides

Février 1999, Centre André Malraux

Les empereurs moghols, les Grands Moghols, sont des Timurides par Bâbur, descendant de Tamerlan à la 5e génération. Celui-ci avait mené une expédition victorieuse dans le nord de l’Inde en 1398, exploit que Bâbur renouvela en 1526, inspiré par celui de son aïeul. Il y fonda sa dynastie, car il avait dû renoncer à récupérer le royaume de Samarkand occupé par les Ouzbeks. Quand les Grands Moghols règneront en Inde, ils garderont une image nostalgique de Samarkand et de ses jardins, à jamais perdus pour eux, mais dont ils s’inspireront dans leurs réalisations.
Tamerlan avait fait de Samarkand la capitale d’un immense empire conquis par la force et la diplomatie. À partir de 1370, il fit reconstruire la nouvelle ville, au sud de l’ancienne cité détruite en 1220 par Gengis Khan. Il fit ouvrir et aménager des avenues, des places, des marchés, des fontaines et fit édifier de magnifiques monuments caractérisés par la richesse de leur décoration de céramiques bleues. Les butins de guerre, mais surtout les taxes abondantes provenant de la Route de la soie – ensemble de routes du commerce qu’il contrôlait, administrativement et militairement – lui en fournissaient les moyens. À Samarkand, devenue le centre rayonnant de ce réseau de routes internationales, transitaient les caravanes de tous les pays. De l’Inde, elles arrivaient chargées de soies, de pierres précieuses et d’épices pour répondre aux demandes des marchés du Moyen-Orient, et même de l’Europe. La Samarkand timuride était considérée comme la principale « Porte de l’Inde ». Tamerlan, tant redouté à juste titre comme chef de guerre impitoyable, était aussi un grand constructeur, amateur d’arts et de jardins. Issu d’un milieu de nomades, ayant des ancêtres mongols, turcs et persans, il manifestait une prédilection pour la culture persane. Il ramenait de ses conquêtes ou faisait engager les meilleurs artisans et architectes d’Iran, d’Irak, de Syrie, d’Arménie, de Turquie, mais aussi de l’Inde qui avait des sculpteurs de pierre et de bois renommés, ainsi que des maîtres en décoration chinois, pour les faire travailler ensemble aux ouvrages destinés à l’épanouissement de sa capitale. Ce travail d’équipe interculturel aboutit à une évolution esthétique dans l’art architectural inspiré de Perse, que l’on appela la Renaissance timuride et dont les Grands Moghols s’inspirèrent en Inde.
Le mausolée des Timurides de Samarkand (appelé Gur Emir quand Tamerlan y fut inhumé) a certainement inspiré le modèle du Tâj Mahal. Le célèbre édifice présente la même disposition : un dôme majestueux coiffe l’édifice cylindrique, une grande salle d’honneur richement décorée expose les cénotaphes des défunts entourés d’une balustrade de marbre finement ouvragée (les corps étant enterrés au sous-sol), quatre minarets extérieurs encadrent l’édifice et le grand portail face à l’entrée. Le Tâj a été édifié par Shâh Jahân, de la dynastie de Bâbur, mais plus de deux cents ans après le Gur Emir. Construit en marbre blanc, alors que le Gur Emir l’est en briques émaillées, il est plus grand et plus richement orné que ce dernier, grâce aux architectes et artisans indiens, persans et européens recrutés par le Grand Moghol.

Le modèle architectural du Tâj Mahal est semblable à celui du Gur Emir malgré les deux siècles qui les séparent. C’est bien un mausolée destiné au souverain et à ses proches. Leur différence tient à la nature des matériaux, au progrès des techniques, et aux plus grandes dimensions dues sans doute au goût de Shâh Jahân pour la magnificence. L’épouse bien aimée de Shâh Jahân, Mumtâz Mahal, étant décédée la première, fut inhumée solennellement la première dans le Tâj, l’empereur qui en avait ainsi décidé, la rejoindra plus tard dans la crypte de ce mausolée sans pareil au monde.

Recueil du texte par Françoise Vernes

Lucien Kehren a publié une biographie sur Tamerlan, Payot, 1981, et La route de Samarkand au temps de Tamerlan, Imprimerie Nationale, 1990. Il est auteur d’une pièce de théâtre Büyük Timur (Tamerlan le Grand).

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Quelle est la forme du temps ? Linéaire ou cyclique ?

Synthèse de la conférence donnée par Étienne Klein, physicien au CEA,  professeur à l’École centrale de Paris, docteur en philosophie des sciences

16 mars 2009, Centre André Malraux

Par une sorte de réflexe discutable de notre système de pensée, nous avons tendance à attribuer au temps les mêmes propriétés que celles que nous identifions dans les phénomènes temporels. Nous observons autour de nous des phénomènes cycliques ( les planètes tournent autour du soleil, les jours succèdent aux nuits, les saisons se suivent et se ressemblent…). De ce simple constat, que le temps fait se répéter certains événements, et réitère parfois ce qu’il s’est autorisé à produire une fois, nous déduisons que le temps lui-même est cyclique. Ce phénomène réflexe nous vient de très loin puisque pendant des siècles, c’est la forme du cercle qui a trôné sur le temps, la forme la plus parfaite qui puisse être : si l’on déforme un cercle, en n’importe lequel de ses points, on le rend moins parfait. Il n’y a donc rien d’étonnant que l’idée d’un temps faisant des boucles à l’infini ait pu prévaloir dans les grands mythes de l’humanité, dans certaines religions et dans quelques systèmes philosophiques (les Stoïciens et les Pythagoriciens, par exemple, et plus récemment, Schopenhauer et Nietzsche).

Le temps cyclique selon les différents systèmes philosophiques
Pour les Stoïciens, le monde périt avant de se régénérer à l’identique, indéfiniment, avec les mêmes individus, en une suite ininterrompue d’éclipses et de renaissances. Et ce qu’on nomme avenir n’est donc jamais que du passé qui va revenir. L’avenir est finalement la même chose que le passé, c’est un passé qui éternellement revient. Rien ne s’ajoute à ce qui est ou a été par l’effet du temps. Toute nouveauté est impossible comme si le monde s’était réfugié en lui-même. Tout est donné au départ. Il n’existe ni destin ni liberté, seulement de la nécessité. Dans ce schéma, ce n’est pas le temps lui-même qui est cyclique, mais  l’histoire du monde qui présente une infinité de répétitions.

Il en va de même pour les Pythagoriciens qui, à partir des observations célestes et du rythme des saisons, avaient déduit le cycle d’une année, plus grande que l’année terrestre, au terme de laquelle les planètes devaient retourner à leur position initiale. On retrouve cette observation de la révolution des planètes à l’origine du temps cyclique en Grèce, en Iran, en Inde ; influences réciproques ou traditions autonomes ?

Pour la tradition brahmanique, un cycle est un yuga, un lien entre un temps cosmique et un autre qui le suit, avec l’idée que chaque yuga est précédé d’une aurore et suivi d’un crépuscule. Selon cette tradition, il semble que quatre yuga se soient succédés depuis l’âge d’or primitif, avec des durées inégales et décroissantes, de 4 000 ans à 1 000 années divines. À chaque changement d’ère l’homme perd un quart de sa vertu, et la succession des yuga s’accompagne d’une décadence humaine sur les plans biologique, intellectuel, moral et social, à moins qu’un cataclysme majeur ne permette de renouer avec les temps heureux. La catastrophe interrompt la répétition et vient boucler le temps présent avec un temps primitif au cours duquel l’humanité se portait mieux. La sortie du temps cyclique serait alors l’équivalent d’une délivrance apportant le salut définitif de l’âme. Mais, en réalité, les yuga ne sont pas des cycles, car ils n’ont pas tous la même durée, ils ne répètent pas les mêmes choses à l’identique, et peuvent être en nombre très limité. Il est donc abusif de parler d’éternel retour à leur propos, et de temps cyclique qui suppose une infinité de répétitions.

« L’éternel retour »
Cette idée peut être apaisante, car l’idée même d’un temps cyclique relativise tout événement y compris la mort, puisque ce temps engendre plus de sérénité qu’un temps dramatique ayant un début et une fin unique et définitive. Il parvient à associer d’une façon presque miraculeuse deux manifestations du bonheur : le « durable » et le « encore une fois ».
On peut y trouver aussi un aspect désespérant, car si tout revient à l’identique la volonté n’a aucun effet réel, l’agir n’a aucun sens, et la liberté n’a pas cours. Nietzsche va définir précisément le surhomme comme étant celui qui se sachant condamné à l’éternel retour désire néanmoins exercer sa volonté. Le surhomme est celui qui continue de vouloir alors qu’il sait que sa volonté est sans objet et n’aura pas d’effet.

Schopenhauer se représente le temps comme un cercle entièrement refermé sur lui-même. Mais il utilise cette idée pour détruire le concept de devenir cher à Hegel, qui lui semblait parfaitement illusoire. Il explique que le temps, tel que nous le représentons, fait toujours semblant d’annoncer une fin nouvelle. On a toujours l’impression que le temps va produire de la nouveauté, du changement, de l’irréversibilité phénoménale, mais en réalité c’est un piège puisque constamment le temps nous ramène au point de départ. Il tourne, mais ne progresse pas. L’avenir ne ré-advient pas, ce qui ré-advient c’est le passé. Il cite l’Ecclésiaste : « Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait c’est ce qui se fera, et il n’y a rien de nouveau sous le soleil. »
Nous croyons que le temps est libre, qu’il est vivant, alors qu’il se révèle figé depuis toujours. Rien n’interdit que des modifications s’immiscent entre deux cycles successifs, mais elles sont parfaitement illusoires, et par là même permettent à l’humanité d’accepter l’éternelle répétition de son histoire, c’est-à-dire, selon Schopenhauer, l’éternelle répétition du même drame. C’est parce qu’il y a de petites variations entre un cycle et le suivant que nous croyons que le temps s’ouvre à la nouveauté, alors qu’en fait il nous piège et nous ramène toujours vers la même histoire. Mais, si les événements peuvent revenir, le temps lui-même revient-il ? On peut faire revenir des phénomènes, mais peut-on faire revenir les instants où ces phénomènes se sont déjà produits ? Schopenhauer n’est-il pas victime d’une confusion entre temps et phénomènes temporels ?

Nietzsche a cherché à soutenir le concept d’éternel retour dans la physique de son époque. Il s’est appuyé sur cette sorte d’éternelle répétition des phénomènes thermodynamiques : tout système déterministe que l’on laisse évoluer librement finira par repasser aussi près que l’on voudra de sa situation initiale, au bout d’un temps d’autant plus long qu’on voudra que ce rapprochement soit le plus fort possible. Il en a fondé une morale : si le devenir revient effectivement sur soi pour former un grand cycle où tout réapparaît éternellement, alors nous devons faire le partage dans nos expériences les plus quotidiennes entre celles qui ne méritent pas d’être vécues à nouveau et celles dont nous pourrions vouloir qu’elles se reproduisent. Plutôt que de subir l’avenir, il s’agit de le vouloir. « Mes amis, écrit-il, je suis celui qui enseigne l’éternel retour, j’enseigne que toutes choses éternellement reviennent et vous-mêmes avec elles, et que vous avez déjà été là en nombre incalculable de fois et toutes choses avec vous. J’enseigne qu’il y a une grande, une longue, une immense année du devenir qui une fois achevée, écoulée, se retourne aussitôt comme un sablier, inlassablement, de sorte que toutes ces années sont toujours égales à elles-mêmes, dans les plus petites et dans les plus grandes choses, et à un mourant, je dirais : vois tu meurs et tu t’effaces à présent et tu disparais, mais la même puissance des causes qui t’a créé cette fois-ci reviendra et devra te créer à nouveau pour une vie absolument la même que celle dont tu décides à présent dans les plus petites et dans les plus grandes choses. »
L’idée d’éternel retour relativise bien la mort puisque l’existence même d’un temps cyclique garantit que la mort est un événement relatif qui se reproduira dès lors que les mêmes causes se répéteront. La morale nietzschéenne consiste à dire qu’il faut vouloir la vie comme elle est, ne pas s’opposer au réel et au contraire y consentir intensément. Malgré la rupture des faits, il faut préserver la continuité de l’action.
Mais Nietzsche ne prenait pas l’idée d’un éternel retour au sérieux. Il parle de l’absurde éternel, puisque l’idée même de temps suppose une différenciation radicale entre passé présent et avenir, idée qui n’a de sens que si chaque présent est nécessairement nouveau par rapport à tout présent devenu passé.

L’éternel retour : un « non temps » ?
La fécondité philosophique et religieuse du concept de l’éternel retour est étonnante pour deux raisons.
•    D’une part, vivre un éternel retour est logiquement impossible. Imaginons que nous accomplissions une succession ininterrompue de cycles à l’identique. Je me place au moment où j’ai accompli mon premier cycle, ma première vie, et j’entame la seconde : ou bien je me souviens du premier cycle et dès lors je reconnais que ce que je suis en train de vivre, je l’ai déjà vécu. Donc je ne suis pas dans la même situation que la première fois, puisque les choses m’apparaissent comme identiques à la première fois, ce qui n’était pas le cas la première fois. Ou bien j’imagine que ma mémoire s’est remise à zéro quand je commence le deuxième cycle que j’entame comme si c’était le premier. Je découvre comme la première fois, mais là, je ne sais pas que c’est le deuxième cycle. Autrement dit, que vous fassiez ou non intervenir la mémoire, il est impossible de vivre deux fois la même expérience à l’identique, soit parce que vous savez que c’est une répétition, alors que la première fois, vous ne le saviez pas, soit parce que vous avez oublié la première fois et vous ne savez donc pas que vous vivez la deuxième.
•    D’autre part, dans la perspective d’un temps cyclique, chaque instant du temps acquiert un double statut contradictoire : il est à la fois périphérique et central ; périphérique, parce qu’il n’est qu’un point sur la circonférence d’un cercle, et central, puisque étant parcouru une infinité de fois, il devient une sorte de point fixe et éternel. Chaque instant est à la fois éphémère et éternel au sens où constamment on repasse par lui. Si on se place dans un temps cyclique, et si on veut que ce temps cyclique permette quand même qu’il y ait du devenir et non simplement une rengaine, il faut qu’il soit une ouverture et non un retour. Il faut que du hasard, de l’imprévisible, des modifications soient chaque fois mises en jeu, de sorte que chaque cycle se distingue du précédent. Mais si on injecte de la différence dans la répétition, cela signifie que l’on empêche la répétition à l’identique, et donc on n’est plus dans l’éternel retour.

Le temps cyclique est tout sauf un temps. Il implique la négation du cours du temps, dans le sens où il nie ce qui est au fondement du temps, c’est-à-dire la mutuelle exclusion du présent, du passé et du futur. Dans l’idée même du temps, ces trois derniers n’ont pas le même statut. Le futur est ce qui n’est pas encore passé. Et le passé, c’est ce qui n’est plus dans le futur. Si on les mélange, on a affaire à un temps qui ne fait plus son travail de temps, qui est précisément de séparer le présent du futur. En allant vers le futur, on retourne au passé, puis on revient au présent. On a vécu, et on vivra le présent que l’on vit. On vit, et on vivra le passé que l’on a vécu. On vit, et on a vécu le futur que l’on vivra. Rien ne passe donc vraiment, tout est toujours déjà là, encore là, et donc le temps perd toute opérativité. On pourrait donc dire que l’idée d’un éternel retour déploie une sorte de « non temps », et c’est sans doute la raison pour laquelle elle a connu tant de succès.

Le temps n’est pas la durée
L’existence de cycles dans le temps ne signifie nullement que le temps est lui-même cyclique. Les phénomènes cycliques, mais aussi géologiques, chimiques, biologiques, psychologiques ont tous leur temporalité spécifique (la dynamique des phénomènes chimiques n’est pas la même que celle de la physique des particules, notre appréciation des durées n’est pas toujours la même…). Mais cela n’oblige pas à concevoir l’existence d’un temps cyclique, géologique, chimique, etc. On ne peut confondre les échelles de temps (qui peuvent être très différentes) de certains types de phénomènes avec le temps lui-même. Jean Henri Samuel Forney, membre de l’Académie royale de Prusse, souvent cité par Jean-Jacques Rousseau dans l’article qu’il a consacré au temps dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, avait pressenti cela : « La durée n’est que l’ordre des choses successives en tant qu’elles se succèdent en faisant abstraction de toute autre qualité interne que la simple succession, mais il se pourrait que le temps ne soit qu’un être abstrait qui n’est point par conséquent susceptible des propriétés que l’imagination lui attribue. »
Le temps n’a donc pas les propriétés de ce que nous observons dans le temps, et ce n’est pas forcément parce que nous voyons autour de nous des phénomènes cycliques, qu’il existe un temps cyclique.

La physique moderne réfute l’idée d’un temps cyclique
La physique dite moderne commence avec Galilée et va trouver sa véritable force avec Newton qui expose la première théorie mathématisée de la physique. Dans ses Principes de la mécanique, Les Principia, Newton commence par postuler que l’espace et le temps sont des substances indépendantes de ce qu’elles contiennent. L’espace et le temps sont des absolus, des substances universelles qui préexistent aux objets physiques. Il existe dans l’univers l’espace-temps qui est une arène dans laquelle viennent prendre position les objets physiques. Mis dans l’espace-temps, ces objets vont subir des évolutions dynamiques qui occasionneront des phénomènes. Mais l’espace et le temps sont donnés en amont des phénomènes. Ils existent par eux-mêmes et n’ont pas besoin des objets physiques pour exister. Cet acte fondateur de la physique moderne qui sépare le temps des phénomènes temporels est révolutionnaire.
Notre langage montre que nous attribuons au temps les mêmes propriétés que ce que nous voyons se dérouler dans le temps sans jamais nous demander si l’idée même d’une accélération du temps ou d’une vitesse du temps ne serait pas absurde. Vitesse, par définition, est une dérivée par rapport au temps. Il est donc absurde de parler d’une vitesse du temps puisque cela reviendrait à dire que la vitesse du temps ou du cours du temps change par rapport au cours du temps et que ce dernier deviendrait différent de lui-même ! Quand nous disons que le temps s’accélère nous confondons le temps avec notre emploi du temps. Le temps n’a rien à faire de l’emploi qu’on fait de lui ! La physique moderne se fonde sur une idée qui est complètement à rebours de la pensée commune et du langage quotidien : le temps est différent des phénomènes temporels, car, quoi qu’il se passe dans le temps, cela ne l’affecte pas. Dans les équations physiques, il y a toujours le paramètre t, seule variable de la physique qui précisément ne dépend pas du temps. Pourquoi t n’est-il pas une fonction de t ? Pourquoi le temps est-il toujours décrit comme ayant un cours homogène ? Bien entendu, tous les instants du temps sont différents, puisque le cours du temps produit des instants présents qui sont tous inédits, mais ils ont rigoureusement le même statut. C’est-à-dire que le temps ne change pas sa façon d’être le temps au cours du temps. Donc le temps est la seule chose qui échappe au temps en physique. Alors que dans la langue de tous les jours on identifie le temps au changement. Pour la physique, depuis Newton, le temps est la seule chose qui ne change pas au cours du temps. Et si les phénomènes temporels se répètent, on ne peut plus dire que le temps lui-même se répète, ce qui rend intenable l’idée d’un temps cyclique.

La pérennité des lois physiques
Prenons l’exemple du LHC (le Large Hadron Collider, le grand collisionneur de particules) qui a démarré au CERN, à Genève, en septembre 2008. Ce n’est pas une machine à remonter dans le temps, comme le prétendent la plupart des journalistes. On va simplement recréer dans le présent les conditions physiques du passé, avec l’idée que les lois physiques n’ont pas changé au cours du temps. Il a fallu tout un travail conceptuel très compliqué pour comprendre que si l’univers est en évolution, ce n’est pas parce que les lois physiques ont changé, mais parce que les conditions physiques ont changé. Donc si en faisant des collisions de protons avec de l’énergie on crée dans un petit volume d’espace, et pendant une durée très courte, les mêmes conditions physiques que celles de l’univers primordial, puisque les lois physiques n’ont pas changé, on va voir les mêmes phénomènes que ceux qui se sont produits il y a 13 milliards d’années dans l’univers primordial. En chacun de ces points d’espace-temps, l’univers a conservé la possibilité de revivre ce qu’il faisait en son début.

Le temps est homogène
Les lois physiques sont les mêmes à tous les instants du temps : ce principe, qui met en évidence la conservation de l’énergie, n’est admissible que si le cours du temps est homogène, si le temps, en passant, conserve à l’identique les lois physiques, c’est-à-dire les lois de la nature. Que les lois physiques soient invariables, avec comme implication la conservation de l’énergie, signifie qu’on ne peut créer d’énergie à partir de rien. La seule chose que l’on puisse faire, c’est transformer une forme d’énergie en une autre, par exemple de l’énergie chimique en énergie mécanique, de l’énergie mécanique en électricité, mais on ne peut produire de l’énergie à partir de rien. C’est une façon indirecte de prouver que le cours du temps est homogène, c’est-à-dire que tous les instants ont le même statut vis-à-vis des lois physiques.
L’expression « le temps passe » que nous considérons presque comme une définition du temps, est une autre façon d’illustrer que le temps est homogène. Ce qui distingue le temps de l’espace est le fait qu’il passe. Est-ce vrai que le temps passe ? Il n’existe pas de définition du temps. Comme disait Blaise Pascal, le temps est un concept primitif : on ne peut le déduire d’autre chose qui serait plus fondamental que lui. Toutes les définitions du temps proposées par les philosophes présupposent le temps. Quand Aristote dit que le temps est le nombre de mouvements selon l’avant et l’après, il définit le temps à partir de lui-même, car l’avant et l’après ne peuvent être définis sans évoquer le temps.
Si je postule comme hypothèse que la fonction principale du temps est de renouveler l’instant présent, de faire en sorte que tout instant présent est aussitôt remplacé par un autre instant présent, puis-je en conclure que le temps passe ? Non, parce que ma définition oblige à penser que ce qui passe est la réalité, et que le temps qui la fait passer ne passe pas puisque la réalité ne cesse pas de passer. À partir d’une petite hypothèse sur ce qu’est le travail du temps, j’en suis amené à conclure que le temps est la seule chose dans l’univers qui ne passe pas. Dire que le temps passe est commettre la même erreur que celle de dire : un chemin chemine. Nous confondons un objet et sa fonction. C’est précisément parce qu’un chemin ne chemine pas qu’il permet au promeneur de cheminer. Le temps ne passe pas, il fait passer la réalité. Cet exemple montre que notre façon de dire le temps par des expressions toutes faites, n’a nullement été modifiée par toutes les révolutions scientifiques qui ont changé la définition du temps. Nous parlons du temps comme Saint Augustin.

La physique peut-elle nous aider à faire une critique du langage ?
Comme l’a remarqué Wittgenstein, notre façon de dire le temps détermine notre façon de le penser, ce qu’il appelle les sortilèges du langage. Non seulement nos façons de dire le temps sont très datées – on peut donc soupçonner que leur valeur de vérité n’est pas très grande – mais en plus elles sont contradictoires entre elles. On invoque autant de sorte de temps qu’il y a d’usage du mot temps. Le temps est un mot qui sert à tout dire à la fois : la simultanéité, la succession, le changement, l’époque, le devenir, l’argent, la mort. Cela signifie que si l’on veut commencer de penser le temps, on doit au préalable procéder à ce que Wittgenstein appelait une critique du langage.

Dans les Principia, Newton dit que le temps peut être représenté par une variable mathématique à une seule dimension. Autrement dit pour repérer une date, il suffit d’un nombre, alors que pour repérer une position dans l’espace, il faut trois coordonnées, ce qui signifie que la forme du temps est beaucoup plus simple que la topologie de l’espace. La façon dont nous avons de tracer la courbe du temps avec un axe et une flèche est une image sublimée du fleuve, une façon abstraite de représenter un fleuve, mais c’est aussi une façon d’exprimer l’écoulement du temps. À force de parler du temps comme d’un fleuve, nous attribuons au temps les propriétés du fleuve, notamment la vitesse. Pour dire, par exemple, que la Seine s’écoule, il faut invoquer un milieu dans lequel elle s’écoule, mais qui en fait ne s’écoule pas, le lit du fleuve ou les berges. Donc pour dire l’écoulement du temps, il faut invoquer un non écoulement, un substrat dans lequel le temps s’écoule alors que lui-même ne s’écoule pas. La métaphore du fleuve charrie avec elle des a priori clandestins qu’il faut savoir débusquer pour ne pas attribuer au temps tous les attributs qu’ont les fleuves et que le temps, peut-être, n’a pas.

Le substrat du temps
Dans quoi le temps s’écoule-t-il ? La physique commence à éclairer cette question. Imaginons un espace dans lequel tracer la courbe du temps et définir ainsi sa topologie. Newton dit que le temps n’a qu’une dimension ce qui signifie qu’on peut le représenter par une courbe à une dimension. On a le choix puisqu’il existe une infinité de courbes à une dimension. Sur cette courbe tracée, on peut mettre une petite flèche qui dit que le temps s’écoule en sens unique, c’est-à-dire du passé vers le futur et ne rebrousse pas chemin. On marque sur cette courbe le fait que le temps est orienté, qu’il a un cours bien défini. Une fois que l’on a tracé les courbes, il faut en choisir une. On constate que n’importe laquelle des courbes tracées appartient nécessairement à l’une des deux catégories suivantes : soit la courbe tracée est fermée sur elle-même, soit elle ne l’est pas.
Si elle est fermée sur elle-même, par des transformations continues (qui ne modifient pas la topologie de la courbe), on peut la ramener à un cercle.
Si la courbe ne se referme pas sur elle-même, on tire dessus et cela fait une droite.
Donc à partir du moment où l’on dit que le temps n’a qu’une dimension, il est nécessairement soit cyclique soit linéaire. Si l’on tire sur une spirale, cela fait une droite ! On ne peut argumenter une superposition d’un temps linéaire et d’un temps cyclique. Car, quand on superpose un mouvement linéaire et un mouvement cyclique cela donne, comme courbe, le mouvement d’une valve de chambre à air d’un vélo qui roule à vitesse constante. Le mouvement de la valve, en utilisant le calcul de Blaise Pascal, s’appelle la cycloïde. Vous tirez sur une cycloïde, cela fait une droite. D’un point de vue topologique, une cycloïde est la même chose qu’une droite. Donc la superposition d’un mouvement linéaire et cyclique est un mouvement linéaire.

Un temps linéaire ou un temps cyclique ?

Ce choix qui se pose aux physiciens de la fin du XVIIème et du XVIIIème siècles, n’est neutre ni scientifiquement ni philosophiquement, car l’idée d’un temps linéaire va fonder l’idée de progrès.
Dans un temps linéaire, le futur peut être différent du passé. On peut même agir dans le présent pour changer le futur, on peut l’améliorer, et donc les souffrances d’aujourd’hui prennent du sens parce qu’elles servent à l’avènement d’un futur meilleur que le présent que nous connaissons. Donc on ne peut fonder l’idée même de progrès, au sens de la théorie des Lumières, dans un temps qui ne soit pas linéaire. Tout concourrait pour que les physiciens choisissent un temps cyclique (l’éternel retour, le caractère magique du cercle, etc.). Il y avait néanmoins des arguments religieux en faveur d’un temps linéaire : dans le  christianisme, la crucifixion est un événement unique, qui n’est pas amené à se répéter.

Comment le principe de causalité s’incarne-t-il dans la théorie d’Einstein de la relativité restreinte ?
Les physiciens ont choisi d’éliminer le temps cyclique pour choisir le temps linéaire car celui-ci est lié au principe de causalité énoncé par Leibniz et repris par Kant. Dans sa forme ancienne le principe de causalité dit que tout événement est l’effet d’une cause qui l’a précédé. Donc l’effet ne peut être antérieur à la cause. Dans un temps cyclique, on a un événement A, la cause, qui engendre ultérieurement un effet appelé B. En allant vers le futur de l’effet, je reviens vers le passé de la cause. Donc l’effet peut rétroagir sur sa propre cause. Les physiciens ont choisi un temps linéaire dans lequel l’effet produit ne peut plus jamais rétroagir sur sa propre cause. La seule façon de garantir le principe de causalité est de choisir un temps linéaire qui protège les événements du passé de toute modification ultérieure sans même que l’on ait besoin de se référer à l’idée de cause. Le principe de causalité pose que le passé est bel et bien passé et que si quelque chose a eu lieu, même si cela n’a pas laissé de traces, même s’il n’y a pas eu de témoins, il sera éternellement vrai qu’elle a eu lieu. Même le Dieu omnipotent de Descartes ne peut changer le passé. Cette protection chronologique est ce qu’on appelle le principe de causalité.

Le XIXème siècle, avec la thermodynamique, a abandonné l’idée de cause qui est éliminée complètement par la physique quantique. Le principe de causalité, en relativité restreinte, implique que la vitesse d’une particule ne peut dépasser la vitesse de la lumière dans le vide. Autrement dit, le principe de causalité s’exprime sous la forme d’une interdiction. Pourquoi ne pourrait-on pas un jour trouver des particules qui aillent plus vite que la lumière ? Dans les années 1920, les physiciens ont compris que le rayonnement cosmique était constitué de particules élémentaires, dont certaines vont pratiquement à la vitesse de la lumière. Nous sommes tous traversés par des muons ou des neutrinos qui viennent du soleil. 67 milliards de neutrinos nous traversent par seconde et par cm2 de peau, de jour comme de nuit, puisque la nuit ils traversent la terre ; ces particules, qui constituent le rayonnement cosmique, ont une vitesse qui est quasiment égale à la vitesse de la lumière dans le vide. On ne peut donc les décrire que grâce à une cinématique relativiste, indispensable quand les vitesses en jeu sont très proches de celles de la lumière. Ces particules ne sont pas des objets classiques que l’on peut décrire physiquement. On sait depuis les années 20 que les objets microscopiques, l’atome et son contenu, sont des objets qui violent les lois physiques ordinaires. Les physiciens ont dû mettre sur pied une nouvelle physique, la physique quantique. Désormais si l’on veut comprendre le rayonnement cosmique, il faut pouvoir décrire ces particules de façon quantique parce que ce sont des particules, et de façon relativiste parce qu’elles vont très vites. Avant les années 20, la physique quantique et relativiste étaient séparées. Or pour décrire ces particules extrêmement rapides et petites, il faut les deux physiques. Le physicien  Paul Dirac a trouvé la bonne voie. L’équation de Dirac permet de décrire les particules quantiques et relativistes. Il a remarqué que certaines solutions de son équation violaient la causalité, c’est-à-dire que les voyages dans le passé étaient possibles, qu’on pouvait changer le passé, l’ordre des événements qui se produisent dans le temps. Les chronologies pouvaient être modifiées. Dans un premier temps il y a vu la preuve que le temps n’existe pas vraiment, qu’il est une substance arbitraire, conventionnelle, subjective dont le cours apparaît dans un sens ou dans l’autre selon la vitesse de l’observateur qui observe les phénomènes dont il est question. Puis il s’est ravisé et a mis en doute son équation. Il l’a modifiée pour intégrer le principe de causalité, et lui a imposé une contrainte supplémentaire : si dans mon laboratoire, je vois l’événement A se produire avant l’événement B, et si A et B sont causalement reliés, alors tous les observateurs de l’univers, quelle que soit leur position, et quelle que soit leur vitesse dès lors que cette vitesse n’excède pas la vitesse de la lumière, le verront comme moi, d’abord A puis B. Évidemment la durée entre A et B ne sera pas la même pour tout le monde. En relativité, il existe une dilatation des durées qui fait que la durée mesurée dépend de la vitesse qu’on a par rapport au phénomène dont on mesure la durée. Donc la durée qui sépare A de B ne sera pas la même pour tous les observateurs, mais ce qui est absolu c’est la chronologie. Si je vois une particule apparaître puis disparaître, aucun autre observateur ne pourra la voir disparaître puis apparaître.

L’ordre des événements est universel
Pour que le principe de causalité soit respecté, il doit exister en plus de toutes les particules que nous connaissons, d’autres particules que nous ne connaissons pas, de même masse et de charge électrique opposée, que l’on appelle les antiparticules. Ou bien les antiparticules existent et cela signifie que Dirac avait eu raison de transformer son équation pour la rendre respectueuse de la réalité, et cela veut dire aussi que la nature connaît ce principe de causalité, ou bien les antiparticules n’existent pas et il a eu tort de modifier son équation, et on doit considérer que la causalité est un a priori de notre entendement dont la nature n’a que faire. Paul Dirac publie ses résultats en 1932. Quelques mois plus tard, Anderson, un physicien américain alpiniste de surcroît, monte au sommet du mont Pasadena avec un détecteur de particules et détecte des positons, l’antiparticule de l’électron. Donc l’existence de l’antimatière ou des antiparticules est la preuve matérielle, ou plutôt antimatérielle, qu’il existe dans l’univers quelque chose dans lequel on ne peut pas voyager et qui est précisément le temps. L’existence de l’antimatière est la preuve que la causalité est une loi de la nature. Dès lors il faut considérer que le temps est nécessairement linéaire, et que « le facteur temps ne sonne jamais deux fois ».

Recueil de notes par Françoise Vernes

Etienne Klein a créé et dirige le laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Il a publié aux éditions Flammarion : Les tactiques de Chronos (2003), Petit Voyage dans le monde des quanta (2004), Il était sept fois la révolution. Albert Einstein et les autres (2005), Le facteur temps ne sonne jamais deux fois (2007), Galilée et les Indiens (2008).

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Synthèses

Les défis indiens

Synthèse de la conférence donnée par Vaiju Naravane, correspondante à Paris pour l’Europe du quotidien The Hindu

15 décembre 2008, Centre André Malraux

Les défis de l’Inde sont aussi grands que ses ambitions. Ce pays se voit une puissance au niveau régional, mais aussi au niveau mondial, sur le plan économique et politique. C’est un géant qui se réveille, fort d’un taux de croissance régulier, de 7, 5 à 8%, qui va retomber à cause de la crise mondiale et de la récession. La situation de l’Inde face à la crise, et la série d’attentats qui viennent de frapper Bombay, son cœur économique, nous interrogent sur les difficultés auxquelles ce pays est confronté.

L’Inde, terre de paradoxes

l’Inde est une démocratie : 600 millions de personnes votent tous les 5 ans. Cet immense bloc connaît l’alternance, la presse est libre et vigoureuse. Les télévisions sont libres ; plus de 20 chaînes en forte concurrence apportent une information 24 h sur 24, où s’expriment toutes les rumeurs.
Multi culturelle, multi ethnique, multi lingue, l’Inde doit faire face à d’énormes problèmes.
– La corruption
– L’indifférence des classes gouvernantes vis-à-vis des populations pauvres. Lors des récents attentats de Bombay en novembre 2008, les pauvres ont été frappés en masse dans la gare centrale, ainsi qu’à l’hôpital Cama, mais ils ont été oubliés dans la tourmente, car les médias se sont concentrés sur l’icône de l’Inde, l’hôtel Taj, et les étrangers.
– Les villes contre les campagnes
– Les infrastructures insuffisantes
La démocratie, ce n’est pas uniquement le vote et les droits de l’homme, c’est aussi un sens de la responsabilité sociale. Or, les services sociaux sont très insuffisants ; il n’y a pas de sécurité sociale. La police est sous formée, sous équipée, sous payée. La démocratie indienne repose sur des insuffisances et des inégalités. Un grand chemin reste à faire.
– La discrimination positive :  « Les réservations »
Les Britanniques avaient fait une liste de castes si impures et opprimées qu’elles se trouvaient en-dehors du système des castes. Quand ils sont partis, on a voulu réparer les torts du passé envers ces hors castes. 59 % des postes ont été réservés pour des catégories défavorisées (des classes pauvres et arriérées, certains groupes tribaux). Cela crée une situation conflictuelle car d’autres communautés, s’estimant aussi défavorisées, demandent au gouvernement central de faire partie de ces « réservations » pour obtenir des postes dans l’administration et l’université.
Selon la constitution, cette réservation de postes ne devait durer que 25 ans, ce qui n’a pas été respecté. Car le système a été utilisé pour acheter les votes des électeurs et il est tellement ancré que les différentes communautés rivalisent pour bénéficier des réservations en prouvant que leur niveau de croissance est le plus bas. Il a aussi permis l’émergence de nantis parmi les basses castes : prenons le cas d’un intouchable qui devient médecin grâce à la discrimination positive, et qui gagne bien sa vie ; il va envoyer ses enfants dans un MIT ou à Harvard. Ceux-ci doivent-ils aussi profiter de la discrimination positive ? Ou faudrait-il que celle-ci s’arrête après une ou deux générations ?
– Une déficience du système éducatif
Si le gouvernement indien avait investi massivement dans l’enseignement primaire, on aurait atténué le retard des enfants de familles pauvres, voire misérables. Ils auraient pu avoir une meilleure éducation et réussir par le mérite de leur effort au lieu de recevoir une subvention de l’état. Une psychologie de la dépendance s’est mise en place, très néfaste pour l’Inde : une fois que l’on obtient un poste grâce au système de quotas, on peut s’absenter et ne pas travailler, ce qui aggrave cet énorme problème d’une bureaucratie, inefficace, peu dévouée, qui devient un obstacle dans notre vie quotidienne.
– Un développement très inégal
Le sud et l’ouest sont mieux lotis que le nord et le nord-est (Bihar, Uttar Pradesh). Malgré un niveau d’éducation très élevé, le Bengale occidental souffre de la pauvreté rurale.
Comment relever ce défi et faire agir un sentiment de solidarité nationale dans une société fragmentée en castes ? Chacun défend les droits de sa caste ou de la communauté à laquelle il appartient ; ces divisions sont accentuées par le phénomène de la mondialisation.
– La crise agricole

D’un point de vue économique, la croissance est extraordinaire et l’Inde compte le plus grand nombre de milliardaires. Mais l’agriculture connaît une crise grave qui a provoqué le suicide de 100 000 fermiers. 65 % des Indiens vivent dans les campagnes et la population ne cesse d’augmenter. L’agriculture devrait donc s’accroître de 2 % par an, or c’est le maillon faible de la chaîne ! Il n’y a pas de véritable politique agricole pour contrer le morcellement des terres et la rigidité des lois (si l’on n’est pas fermier, on ne peut pas acheter de terres agricoles). Il faut trouver des solutions pour que des coopératives puissent investir dans la terre.

Le conflit du Cachemire, à la base des attentats de Bombay ?

À l’indépendance, il y avait 575 royaumes ou principautés qui reconnaissaient la suzeraineté des Anglais mais qui avaient aussi signé des traités individuels avec la couronne anglaise.
Les Britanniques ont décidé de donner toutes les terres qu’ils contrôlaient à l’Union indienne, d’une part, et au Pakistan, de l’autre. Il leur a donc fallu conclure un accord, soit avec le gouvernement de l’Inde, soit avec celui du Pakistan. 3 cas particuliers se sont présentés :
•    Le Cachemire qui était le plus grand royaume de l’Inde avec trois parties distinctes : la vallée du Cachemire musulmane qui côtoie le Pakistan, le Jammu hindou, c’est-à-dire la partie sud, et, à l’est, le Ladakh bouddhiste. La position du gouvernement pakistanais était la suivante : nous nous sommes divisés pour donner aux musulmans une patrie, si une partie du Cachemire est majoritairement musulmane, il faut que vous nous la donniez.
•    Le petit État de Junagadh, au Gujarat, dont le souverain musulman régnait sur une population majoritairement hindoue. Le roi est parti vivre au Pakistan et l’État est intégré à l’Inde.
•    Hyderabad, le plus grand des États princiers de l’Inde, dont le chef musulman, le nawab, régnait sur une population majoritairement hindoue. Bien qu’il fût conforté dans sa fonction, le nawab refusa de s’intégrer à l’Union indienne. Celle-ci envoya des troupes pour le faire céder, car il n’était pas concevable d’avoir un territoire indépendant au milieu de l’Inde.

La genèse du problème du Cachemire

Le Cachemire avait un statut autonome mal défini. Son souverain voulait un pays indépendant. Pour gagner du temps, il demanda un accord de statu quo (standstill agreement) d’un mois avant de se remettre à la table des négociations. Le souverain commença à subir des pressions du côté indien et pakistanais pour signer, soit avec l’un, soit avec l’autre. Cette période de tergiversation lui coûta très cher. Les Pakistanais finirent par envoyer des guerriers Pathans (population à la frontière afghano-pakistanaise) suivis par des troupes régulières. Quand celles-ci arrivèrent à 6 km de Srinagar, le maharajah s’enfuit dans la capitale d’hiver du Jammu et Cachemire. Il se tourna alors vers Nehru pour obtenir son soutien. Nehru accepta de lui porter secours s’il signait un engagement de rattachement à l’Union indienne (instrument of accession), ce à quoi le maharajah consentit. Des troupes indiennes furent envoyées sur le sol cachemirien. Ainsi débuta la première guerre indo-pakistanaise. Au même moment, Mountbatten, gouverneur général de l’Inde durant cette phase de transition, dit à Nehru qu’il fallait consulter les Nations Unies. Nehru accepta que le peuple Cachemiri puisse exprimer sa volonté. L’affaire, portée devant les Nations Unies, se conclut par un cessez-le-feu. L’ONU condamna l’intervention militaire pakistanaise dans la mesure où ces troupes avaient été envoyées dans un territoire dont le sort n’était pas encore fixé. Les résolutions de l’ONU évoquaient le retrait des troupes pakistanaises et des forces indiennes, ainsi que l’organisation d’un référendum au Cachemire. Le retrait ne put être obtenu du Pakistan et les troupes indiennes restèrent sur la ligne de front, appelée aujourd’hui ligne de contrôle, qui n’a pas changé depuis 1948. Sans le retrait des troupes, le référendum n’a jamais pu avoir lieu.
Les Pakistanais utilisent l’expression unfinished business of Cachemire, qui laisse entendre que le Cachemire doit leur revenir. L’État indien s’envisage laïc : puisque le maharajah du Cachemire a signé l’acte de rattachement, on ne va pas re-diviser l’Inde unie sur la base de la religion. Il y aurait un risque de démembrement de l’Union indienne, car les Punjabis pourraient aussi demander l’indépendance pour les sikhs, etc. La partie sous contrôle pakistanais est appelée Occupied Cachemire par les Indiens, et Azad Cachemire, Cachemire libre, par les Pakistanais !

Est-ce qu’un Cachemire libre et indépendant résoudrait le problème ?

La résolution des Nations Unies n’a pas envisagé cette question puisque le référendum posait l’alternative de rejoindre l’Inde ou le Pakistan ? Les Cachemiris souhaitaient une autonomie bien plus grande que celle accordée à d’autres États indiens. L’article 370 de la constitution indienne laissait aux Cachemiris la possibilité d’avoir leur propre constitution, mais ce n’était pas acceptable pour les dirigeants, y compris Nehru. Sheik Abdullah, Chief Minister du Cachemire, qui était laïc et très favorable à l’Inde, s’est vu mettre en résidence surveillée par Nehru, dont il était l’ami, parce qu’il était séparatiste. Depuis les aspirations du peuple cachemiri n’ont jamais été prises en compte. La fraude dans les élections de 1989 a soulevé le peuple Cachemiri, au moment même où se terminait la guerre d’Afghanistan avec la victoire des résistants, les Mudjahidins. Jusque-là les Pakistanais n’étaient pas vraiment engagés au Cachemire. Le différend existait, mais la question du terrorisme n’était pas encore présente. En 1989 les Soviétiques quittent Kaboul. Les services secrets pakistanais s’étaient beaucoup développés grâce à l’argent reçu de l’administration Reagan pour combattre les Soviétiques en Afghanistan. Les Talibans, qui sont finalement la création des services secrets pakistanais, prennent le pouvoir à Kaboul et cherchent à utiliser cet argent. Les Mudjahidins, de retour d’Afghanistan, tournent leur attention vers le côté oriental du Pakistan, c’est-à-dire la frontière avec le Cachemire. Devant le mécontentement du peuple cachemiri et son ressentiment envers le gouvernement indien qui avait eu de grands torts dans la direction et l’administration de cette province du Cachemire, ils mènent une guerre par procuration (proxy war) au Cachemire.

Les relations Indo-Pakistanaises et la libération du Bangladesh

Les Britanniques avaient créé une situation insupportable : une entité orientale du Pakistan, presque entièrement bengalie, et un Pakistan occidental composé de quatre provinces, le Pendjab, le Baloutchistan, le Nord-Ouest où vivent les Pathans, et le Sind. Il n’y a jamais eu d’entente entre ces deux ailes. Les Pakistanais de l’ouest étaient très méprisants envers ceux de l’est, les Bengalis, qui n’avaient pas leur allure de grands guerriers. En 1971, les Bengalis gagnent toutes les élections avec pour conséquence la nomination d’un Premier ministre bengali à la tête du Pakistan. L’armée pakistanaise décide alors d’attaquer sa propre aile orientale, ce qui entraîne la migration de 10 millions de réfugiés bangladeshis vers l’Inde. Indira Gandhi, grande stratège en politique internationale, saisit cette opportunité pour démembrer le Pakistan. L’armée indienne vient soutenir les Bangladeshis jusqu’à la victoire de 1971. La reddition de l’armée pakistanaise avec 95 000 prisonniers s’est révélée une immense humiliation pour le Pakistan qui a nourri un sentiment de revanche fixé sur la question du Cachemire : puisque les Indiens nous ont séparés de notre partie orientale, nous devons séparer les Indiens du Cachemire qui nous appartient. Depuis 1989, le Pakistan n’a cessé d’aider des groupuscules djihadistes au Cachemire.

Le rôle joué par l’armée indienne

La mauvaise administration indienne, sans vision et sans empathie, a accru les tensions entre l’Inde et le Pakistan, et exacerbé un sentiment de révolte chez les jeunes Cachemiris. Les troupes, de plus en plus nombreuses, envoyées par l’Inde sont protégées par de vieilles législations (Special Powers Act) de la période coloniale, qui confèrent l’immunité aux bataillons envoyés dans les zones « troubles », et favorisent ainsi les exactions envers la population. Les organisations terroristes, bien ancrées et bien financées, trouvent des recrues en Inde parmi les jeunes musulmans terrorisés par l’assassinat de membres de leur famille.

La situation actuelle des musulmans en Inde

L’Inde comporte entre 140 et 150 millions de musulmans. Au moment de la création de l’Inde et du Pakistan, il y a eu un échange de population de 15 millions de personnes, hindous du Pakistan vers l’Inde, et musulmans de l’Inde vers le Pakistan, dont l’élite de la communauté musulmane. Ainsi, Lucknow, une ville de culture persane, urdue et musulmane, d’une grande tradition poétique, et qui était à 65% musulmane, ne compte plus que 14% de musulmans. Les quelques élites musulmanes qui n’ont pas quitté l’Inde ont intégré le parti du Congrès. Elles rêvaient d’une Inde moderne et laïque qui officiât pour le bien de tous les Indiens. Abdul Kalam Azad, le premier Ministre de l’éducation de l’Inde indépendante était musulman et un homme des lumières, pour qui la religion était une affaire privée.
La communauté musulmane qui est restée en Inde était pauvre, généralement illettrée, et sans dirigeant. Elle est tombée entre les mains des extrémistes, comme l’imam Boukhari de la Djama Masjid (mosquée située au cœur du vieux Delhi), qui incite les musulmans à faire de plus en plus d’enfants pour résister à la majorité hindoue, et veut des règles séparées pour la communauté musulmane, ce qui avait été accordé par le gouvernement indien après l’indépendance par souci de protection de cette communauté minoritaire et vulnérable. Quand le Premier ministre Rajiv Gandhi a essayé de changer ce règlement en faveur d’un code civil égal pour tous, il en a été empêché par les chefs de la communauté musulmane. De plus, pour des raisons religieuses, les musulmans veulent envoyer leurs fils dans des écoles où l’enseignement se fait en urdu, ce qui les défavorise dans le marché de l’emploi dominé par l’anglais.
Une commission d’enquête nommée par le gouvernement de Manmohan Singh a conclu que la population musulmane, 14% de l’inde, était insuffisamment représentée dans l’administration, la police, l’armée, les affaires et l’université. On s’est rendu compte qu’ils ont été doublés par les Intouchables qui ont bénéficié des mesures de discrimination positive.
On est désormais en faveur de sièges réservés pour la communauté musulmane, mais celle-ci craint la discrimination à l’embauche, ou pour trouver un logement, ce qui accroît la possibilité de recruter des terroristes parmi les jeunes qui se considèrent comme des enfants « adoptés » de la République indienne.
Malgré ces problèmes, une lueur d’espoir est apparue lors des élections qui ont eu lieu au moment des attentats de novembre 2008 à Bombay: l’électorat indien a montré une maturité extraordinaire car le résultat des votes n’a pas favorisé les nationalistes hindous qui avaient joué la carte antimusulmane dans la lutte contre le terrorisme.
Après les attentats de Bombay, le Premier ministre indien s’était d’ailleurs adressé à la nation en disant que ces attentats avaient été commis par des éléments extérieurs à l’Inde et non par des musulmans indiens. Cette déclaration très importante de Manmohan Singh ne mettait pas en question le gouvernement pakistanais, mais les organisations qui fleurissent sur le sol pakistanais.Une telle déclaration a permis d’éviter une vague antimusulmane en Inde. Pour des raisons similaires, après l’assassinat de Gandhi, on avait annoncé que le père de la nation avait été assassiné, en précisant que son tueur n’était pas musulman mais hindou.

Réponse à des questions diverses

Qu’en est-il des relations entre Israël et l’Inde ?

Le fait que les attentats de Bombay aient visé Nariman House, où réside le Centre de prière juif, nous a indiqué que l’assaut lancé sur Bombay était liés au terrorisme international, style Al-Qaida. De plus, le mode opératoire (commandos suicide avec grosses armes automatiques, grenades) était presque identique à celui utilisé en 2001, lors de l’attentat contre le parlement indien.
Traditionnellement, l’Inde n’est pas sensible au problème Israël-Palestine. Les juifs sont arrivés très tôt en Inde et ont été bien accueillis. Bombay compte de grandes familles juives comme les Sassoon. Des liens beaucoup plus étroits entre l’Inde et Israël ont commencé à se tisser quand les hindouistes ont été au pouvoir. En 90, on a ouvert un Consulat, et depuis l’Inde est devenu le deuxième plus grand acheteur d’armes d’Israël. Avant les attentats, les services d’intelligence indiens n’ont pas pris au sérieux les avertissements. Il y a eu un manque de communication entre la marine nationale et la police. L’Inde, géant économique, n’a pas pu protéger sa population, ce qui a provoqué une grande colère en Inde. Une des solutions réside dans l’établissement de liens encore plus étroits avec Israël pour la formation et l’entraînement d’unités commandos, option que l’Inde semble adopter car elle ne peut envisager d’attaquer le Pakistan. Resterait l’option de lancer des attaques ciblées, contre les centres de terrorisme ou contre des personnalités, mais les Indiens ne savent pas gérer de telles attaques, car l’Inde est une société libre, très individualiste, pas très contrôlée (il n’y a pas de cartes d’identité). L’option de la coopération avec les Israéliens semble s’imposer.

L’Afghanistan est-il un enjeu stratégique majeur pour les Indiens et les Pakistanais ?

Les Indiens veulent devenir l’allié des Afghans et donnent beaucoup d’argent, construisent des écoles, des hôpitaux. Ils disent qu’ils veulent exporter du softpower et non du hardpower. L’occident ne voit pas cela d’un très bon œil, car tant que les Indiens sont en Afghanistan, c’est irritant pour les Pakistanais qui ne se sentent pas confortables avec une présence indienne forte en Afghanistan. Pour justifier leur manque d’acharnement contre les terroristes, les Pakistanais disent qu’ils ont besoin d’alliés à l’intérieur du pays pour équilibrer la présence indienne.

Recueil de notes par Françoise Vernes

Vaiju Naravane est correspondante pour les plus grands journaux indiens: elle l’a été pour The Times of India, The Hindustan Times, et actuellement pour The Hindu, le plus important quotidien indien de langue anglaise. Elle est une remarquable informatrice entre l’Inde et l’Europe. Elle est éditrice chez Albin Michel dans le domaine de la littérature asiatique, et vient de diriger la publication de Mother India, par Manil Suri, un écrivain indien de tout premier plan.